À l'instar d'Obélix, je suis tombée dans l'univers magique de la littérature dès mon plus jeune âge !

D'abord grâce à mon père qui me lisait "Bilbo le hobbit" avant d'aller dormir, puis grâce à ma mère qui m'a forcée à lire "Harry Potter à l'école des sorciers" avant d'aller au cinéma. Aujourd'hui, je partage avec vous ma passion pour les bouquins et autres adaptations...

mardi 17 janvier 2017

Le Bossu, la belle, le soldat, le juge et la cathédrale

Si je vous dis Notre-Dame de Paris... Vous pensez probablement à la célèbre cathédrale, ou aux lointains souvenirs de vos cours de français, les plus mélomanes se remémoreront la comédie musicale de 1998, tandis que les cinéphiles en herbe évoqueront l'adaptation du roman de Victor Hugo revu et corrigé par les studios Disney.


Et dans tout cela, que reste t-il de ce roman publié pour la première fois en 1831 ? Le film d'animation rend-il convenablement hommage à la plume d'Hugo ? Est-ce un bon divertissement ou est-il plus ou moins tombé dans l'oubli à raison ? Trêve de questions, Raiponce !
Le bossu de notre dame adaptation de Notre-Dame de Paris

Nôtre quoi ?


Difficile de juger de la qualité d'une adaptation sans se pencher sur l’œuvre originale. C'est pourquoi, je vous propose un petit cours de rattrapage sur l'intrigue du roman. Attention spoilers !

L'histoire commence par le bal des fous qui couronne le visage le plus laid de Paris. Quasimodo remporte la palme, tandis qu'Esméralda danse au milieu des badauds, guettée par l'archidiacre Claude Frollo. Ce spectacle réveille en lui une passion féroce, muselée jusqu'ici au profit de sa foi et de la science. Passion, qui le pousse à faire enlever Esméralda par son fils adoptif Quasimodo. Rassurez-vous, il n'y parvient pas, puisqu'elle est sauvée par le capitaine des gardes Phoebus. Tous deux s'enflamment l'un pour l'autre. Quant à Quasi, il est condamné au pilori ! Pendant sa torture, seule Esméralda fait preuve de compassion en lui donnant à boire. La belle se méfie désormais de Frollo, qu'elle sait à l'origine de sa tentative d’enlèvement et l'ajoute à la liste de ses ennemis avec la vielle recluse qui déteste les Gitans, coupables de lui avoir jadis volé son enfant. Le seul souvenir qu'elle conserve du bambin est un petit soulier brodé.
Le bossus de Notre-Dame bal des fous
Bien que fiancé à Fleur de Lys, Phoebus invite Esméralda dans une auberge. Il s'y rend suivi par Frollo. L'archidiacre ne supportant pas de voir la bohémienne céder aux avances de Phoebus, le poignarde ! Esméralda est arrêtée pour un meurtre qu'elle n'a pas commis, mais avouera tout de même sous la torture. La sentence tombe : elle sera pendue. Bien que vivant, Phoebus ne sauve pas la gitane afin de conserver l'amour de Fleur de Lys.

Pendant ce temps, Frollo rend visite à Esméralda dans son cachot pour lui proposer la liberté contre un baiser. Ce qu'elle refuse. Elle parvient tout de même à s’enfuir, et demande le droit d'asile à Notre-Dame aidée par Quasimodo. Les gitans croyant qu'elle y est retenue prisonnière attaque la cathédrale. Frollo en profite pour faire sortir Esméralda et lui refait la même proposition... sans succès. Fou de rage, il livre la bohémienne à la vieille recluse, qui l'attaque. En se débattant, Esméralda laisse tomber un soulier brodé. La mère reconnaît trop tard sa fille qui lui est arrachée par les gardes, puis conduite à la potence. Du haut de la cathédrale, Frollo et Quasimodo assistent à l’exécution. Voyant le sourire affiché par l'archidiacre pendant la pendaison, Quasimodo le jette dans le vide avant de se laisser lui-même mourir en tenant contre lui le cadavre de la belle gitane. 
Le bossus de Notre-Dame : Quasimodo pleure Esmeralda

Des thématiques fortes


Plus que le tragique de son histoire (comme d'habitude tout le monde meurt, sauf ce pourri bellâtre de Phoebus), ce qui frappe à la lecture de Hugo, ce sont les thématiques abordées dans son œuvre :

Le premier questionnement, sans doute le plus évident, est le rejet de la différence. Notre-Dame de Paris fait la part belle à toute une flopée de personnages marginaux. Quasimodo pour son physique disgracieux, les gitans considérés comme des parias, Gringoire poète désargenté vu comme un profiteur n'apportant rien à la société, la vieille recluse, Frollo marginalisé en raison de sa passion pour la science etc. Ce rejet pousse beaucoup de personnages à se replier sur eux-même.
Le Bossus de Notre-Dame : isolement de Quasimodo
Cette première thématique est, de fait, très liée à la deuxième : les barrières qui nous sont imposées et que nous nous imposons nous-même. C'est flagrant chez Quasimodo, extrêmement frileux à l'idée de sortir de la cathédrale qui s'isole d'autant plus ; ou encore les bohémiens qui ne tolèrent personne d'étranger dans l'enceinte de la cour des miracles et qui ne conversent avec personne en dehors de leur cercle (la seule exception étant Esméralda et Clopin, leur leader). Il est aussi possible de prendre l'exemple de Frollo qui s'enferme dans ses études et sa foi ce qui l'amène à rejeter tout sentiment de plaisir.

Le sentiment amoureux sous toutes ses formes, est lui aussi mis à l'honneur dans le roman. Ce qui frappe immédiatement, c'est l'antagonisme entre l’amour de Quasimodo pour Esméralda qui n'est que pure abnégation et celui de Frollo qui rêve de la posséder. Antagonisme qui fait d'ailleurs écho à l'amour qu'éprouve Quasimodo pour son père adoptif qui est un amour/haine de soumission tandis que l'amour de Frollo pour Quasimodo est basé sur la domination et la pitié voire le dégoût que lui inspire le physique de son fils. Mais la dualité dans les relations ne s'arrête pas là. En effet, si les sentiments de Fleur de Lys et Esméralda à l'égard de Phoebus ne sont que pureté et naïveté ceux qu'éprouve Phoebus pour elles ne sont pas sans arrières pensés. Recherche d'élévation sociale avec Fleur de Lys et volonté d'assouvir une pulsion sexuelle avec Esméralda.
Notre-Dame de Paris : l'égoisme de Phoebus
Enfin, Hugo dénonce les extrémités auxquelles peuvent pousser ce sentiment avec la folie de la vieille recluse chérissant le souvenir de sa fille, la condamnation à mort d’Esméralda et les décès de Frollo et Quasimodo. Le cas de Frollo est d'autant plus intéressant, que ce sont les barrières qu'il s'est lui-même imposées qui l'empêchent de maîtriser ses pulsions et le conduise à sa perte. Cette réflexion nous amène à la dernière source de questionnement : la fatalité et la notion de destin. Comme nous l'avons souligné plus haut, c'est le désir de Frollo rejeté au profit de l'esprit et de la science qui finira par le tuer. Or, le roman est truffé d'autres exemples de ce type. Un chapitre entier est ainsi dédié à la découverte du mot grec anarkia tagué sur la cathédrale qui signifie fatalité !

Quid du Bossu de Notre-Dame ?


C'est bien joli, mais que devient l'adaptation animée dans tout ça ? J'y viens justement cher lecteur attentif. Tu seras donc ravi d'apprendre que le Bossu de Notre-Dame reprend toutes les thématiques phares de Notre-Dame de Paris (rejet de la différence, désir, religion...) à l’exception notable de la fatalité. Cependant cette adaptation étant destiné à un jeune public, il est logique que les studios Disney l'aient adoucit, et donc par extension, que le dessin animé ne soit pas, contrairement au roman, une tragédie.

Cependant, la situation finale est très loin d'être le seul élément à avoir été adouci. Malgré le fait que tous les thèmes (ou presque) soit traités, l’œuvre a été globalement lissée et la violence atténuée pour en faire un film pour enfants. En quoi est-ce mal ? Cela devient problématique, lorsque les propos et les thématiques du matériau d'origine ne sont pas, mais alors pas du tout, destiné aux enfants, car le résultat final en pâtît. Le Bossu de Notre-Dame est donc un film destiné à un jeune public, abordant des questions d'adultes, qui ne peuvent être comprises que par eux. Le film peut être apprécié par des enfants pour son esthétique, ses chansons grandioses ou ses personnages, mais les motivations de ces derniers sont extrêmement difficiles à comprendre pour eux.
Le Bossus de Notre-Dame : dur à comprendre pour les enfants

Autre soucis, pour faire tenir un pavé de près de 700 pages en 1h30 de film, les thématiques abordées en plus d'être adoucis sont simplifiées à l’extrême. Cela rend le propos plutôt manichéen. Il y a les gentils capables d'amour, de tolérance et d'abnégation menés par Quasimodo, Esméralda et Phoebus d'un côté. Les méchants avec leur leader Frollo qui représente tous les vices de l'humanité de l'autre. Certes Phoebus obéit une bonne moité du film aux ordres de Frollo, mais il est présenté comme un gentil en venant au secours d'Esméralda dès sa première apparition. Ce côté manichéen est en opposition avec les personnages du roman. Dans l’œuvre originale, personne n'est parfait. Chacun a sa part d'ombre et de lumière. Le meilleur exemple serait Fleur de Lys personnage pur et innocent par excellence qui souhaite la mort d'Esméralda qui la prive des faveurs de Phoebus.

Autre exemple de simplification révélateur : le titre du roman a été modifié. Notre-Dame de Paris devient le Bossu de Notre-Dame. Le récit choral mettant en scène une pluralité de personnages est ici un récit initiatique. Quasimodo est le héros au cœur du récit tandis que dans le roman, c'est la cathédrale qui occupait ce rôle.


Un mauvais film ? 


Cela fait-il du Bossu de Notre-Dame un mauvais film ? La réponse est non. Un souffle grandiose sort par tous les pores de ce dessin animé. L'animation est sublime, les chansons sont incroyables et la magnificence de la cathédrale est restituée avec brio ! Bien qu'elle ne soit plus au premier plan dans le récit, l'intégralité des actions se déroule autour d'elle. Ce qui lui permet de garder sa qualité de personnage marquant.


Autre élément intéressant, les trois gargouilles permettent de faire comprendre aux spectateurs le lien existentiel d'interdépendance reliant la Cathédrale à Quasimodo. Relation qui joue un rôle clé dans le roman. Notre-Dame a besoin de son sonneur de cloches et les gargouilles ne s'animent qu'en sa présence (à l'exception d'un plan avec Djali). Quasimodo de son côté considère la cathédrale comme sa maison et les cloches comme des amies fidèles.

Malgré les simplifications et les problèmes de manichéisme dénoncés plus haut, le Bossu de Notre-Dame a le mérite de proposer quelque chose d'originale et de novateur pour un Disney. Certes il y a des défauts : le propos manque souvent de subtilité, mais le message passe. Quant à sa fin alternative, c'est un véritable message d'espoir. Les persécutés s'unissent et réussissent à s'affranchir de leurs chaînes. Les bannis ont droit d'amour et les opprimés deviennent les héros du jour !
Le Bossu de Notre-Dame : les bannis ont droit d'amour

Un mauvaise adaptation ?


Avec le Bossu de Notre-Dame, Disney signe un grand, un très grand film d'animation. Son seul défaut serait d'être mal adapté à son jeune public. Pourtant, c'est un film marquant. Il m'avait fasciné enfant pour son esthétique particulière, et je n'ai jamais cessé de l'aimer depuis. Ce n'est même pas une mauvaise adaptation au fond. Les thèmes abordés sont les mêmes. Traités maladroitement certes, mais le dessin animé parvient à proposer une nouvelle lecture intéressante de l’œuvre.
Le Bossu de Notre-Dame

Le Bossu de Notre-Dame est une adaptation un peu maladroite et imparfaite de Notre-Dame de Paris, mais elle réussit pourtant à s'imposer comme un grand dessin animé !

Afin de réaliser l'article, je me suis appuyée sur l'excellente vidéo : Le Bossu de Notre-Dame est-il un Disney dissident ? de Bolchegeek.


Cet article a été écrit dans le cadre du challenge XIXème

Challenge XIXème siècle


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