À l'instar d'Obélix, je suis tombée dans l'univers magique de la littérature dès mon plus jeune âge !

D'abord grâce à mon père qui me lisait "Bilbo le hobbit" avant d'aller dormir, puis grâce à ma mère qui m'a forcée à lire "Harry Potter à l'école des sorciers" avant d'aller au cinéma. Aujourd'hui, je partage avec vous ma passion pour les bouquins et autres adaptations...

mercredi 21 septembre 2016

Guerre & Karénine

Dans l'introduction d'un précédent article, je vous faisais part de mon admiration et de mon amour pour la plume de Tolstoï. J'y reviens aujourd'hui car la lecture d'un gros pavé a occupé une bonne partie de mes soirées printanières et estivales. Vous l'aurez compris, voici ma critique de Guerre & Paix par Léon Tolstoï ! Dans cette dernière, un autre roman de l'auteur s'est invité. Il y est question d'adultère, de course de chevaux et de trains. Une idée ? Toujours pas ? Il s'agit d'Anna Karénine.
Je vous l'accorde, l'idée de traiter deux romans aussi riches dans une même critique peut paraître saugrenue. Pourtant, ces deux œuvres ont de nombreuses similitudes constituant autant de clés de lecture du travail de Tolstoï. 

Pour ceux qui n’auraient pas lu les œuvres, et qui ne souhaitent pas en apprendre plus sur leurs histoires, sachez que des éléments des intrigues vont y être dévoilés pour développer ma critique. 
Anna Karénine et Guerre & Paix par Léon Tolstoï


1. Ils étaient deux fois... ou le moment où tu apprends de quoi parle les romans


Commençons avec cette chère Anna Karénine. Le roman nous relate l'histoire de l'épouse d'un parlementaire respectable qui s’ennuie en ménage. Elle va tomber folle amoureuse d'Alexis Wronski un officier, qui deviendra son amant. Nous suivons en parallèle Lévine qui s'apprête au début du roman à faire sa demande en mariage à Kitty, la sœur de la belle-sœur d'Anna.

Quant à Guerre & Paix, c'est à la fois un roman historique revenant sur la campagne de Russie menée par Napoléon entre 1805 et 1812 ; une fiction relatant la vie de trois familles de la noblesse moscovite et pétersbourgeoise pendant ces événements ; un essai philosophique sur le concept de la liberté de décision de l'homme.

2. L'amour de la Russie


La première chose qui frappe à la lecture de Tolstoï, c'est l'amour de l'auteur pour son pays. Que ce soit dans la description des traditions russes comme les déguisements de Noël : « Les domestiques déguisés en ours, en Turcs, en cabaretiers, en grande dames, cocasses ou effrayants, apportaient du dehors le froid et la gaieté. […] ils commencèrent les chants, les danses et les autres divertissements de Noël. » Guerre & Paix, les parties de chasse, le patinage sur les lacs gelés : « On se réunissait sur la glace, un jour de la semaine, entre personne de connaissance. Il y avait là des maîtres dans l'art du patinage qui venaient faire briller leur talent, d'autres qui faisaient leur apprentissage derrière des fauteuils, avec des gestes gauches et inquiets, de très jeunes gens, et aussi de vieux messieurs, patinant par hygiène ; » Anna Karénine, ou encore le fauchage des blés. Lire du Tolstoï est l'occasion de se dépayser et d'en apprendre plus sur la vie des russes au XIXème siècle. Les nobles, les plus humbles, habitants des villes ou des campagnes, personne n'y échappe.
L'amour de la Russie
Cet amour pour son pays transparaît aussi à travers les descriptions de paysages, nombreuses et souvent poétiques, puisque notre cher Léon n'hésite pas à faire des pauses dans son récit pour nous laisser « admirer le paysage » :

« Il faisait un beau temps de gelée ; à la porte du Jardin on voyait, rangés à la file, des traîneaux, des voitures de maître, des isvostchiks, des gendarmes. Le public se pressait dans les petits chemins frayés autour des izbas décorées de sculptures en bois ; les vieux bouleaux du jardin, aux branches chargées de givre et de neige, semblaient revêtus de chasubles neuves et solennelles. » Anna Karénine

« Tout se tut. Comme si elles savaient que maintenant personne ne les regardait plus, les étoiles reprirent leurs jeux au fond du ciel sombre. Tantôt éclatantes, tantôt s'éteignant, tantôt scintillant, elles semblaient se chuchoter entre elles quelque chose de joyeux et de mystérieux. » Guerre & Paix

3. La quête du bonheur


La quête du bonheur est la toile de fond narrative d'Anna Karénine et Guerre & Paix. Cela est particulièrement visible à travers les personnages de Pierre Bézoukhov et Lévine, qui sont tous deux sont malheureux au début du roman. De son côté Pierre vient de perdre son père et sera malheureux en ménage, quant à Lévine sa demande en mariage est rejetée par Kitty. Tout au long des romans, tous deux rechercheront le bonheur chacun à leur façon : Lévine dans le labeur des tâches agricoles, Pierre dans sa soif de trouver des réponses sur le sens de la vie aux côtés des francs-maçons. Leurs recherches du bonheur se soldent par la découverte des joies que procure un amour simple et la certitude que si Dieu existe, alors ils ne peuvent qu'être heureux. La spiritualité étant également un thème récurrent dans les œuvres de Tolstoï.
Quête du bonheur

Un autre élément que l'auteur associe à cette recherche du bonheur est l'importance du pardon. Il est prêché dans Guerre & Paix par Marie Bolkonsky à son frère André qui a été malheureux pendant presque tous le roman. Il le découvre à la mort de son ennemi Anatole Kouraguine : « Oui, la pitié, l'amour pour nos frères, pour ceux qui nous aiment ; l'amour pour ceux qui nous haïssent, l'amour pour nos ennemis ; oui, cet amour que Dieu est venu prêcher sur terre, que m'enseignait la princesse Marie et que je ne comprenais pas, c'est cela qui me fait regretter la vie ; » Guerre & Paix. Cette découverte lui permet de vivre ses derniers moments apaisés et heureux après avoir pardonné son écart de conduite avec Anatole Kouraguine à son ex-fiancé Natacha.
Importance du pardon
À l'opposé du schéma d'André, Anna Karénine, elle, refusera d'accepter le pardon de son époux pour son infidélité. Désespérée, elle finira par se jeter sous un train afin de se venger de son amant lassé : « elle scruta les œuvres basses du train qui la frôlait, les chaînes, les essieux, les grandes roues de fonte […] Là, se dit-elle en fixant dans ce trou noir les traverses recouvertes de sable et de poussière. Là, au beau milieu ; il sera puni et je serai délivrée de tous et de moi-même. » Anna Karénine.
Anna se jette sous le train
L'intelligence de la construction du récit d'Anna Karénine, basée sur l'opposition du parcours entre Lévine et Anna met en exergue cette quête du bonheur chez les deux personnages principaux. Tandis qu'Anna sombre de plus en plus dans la folie et le désespoir, Lévine s'élève pour atteindre le bonheur et l’apaisement. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'Anna mène une vie citadine et fréquente la noblesse qui pour Tolstoï était une vie « fausse » car théâtralisée tandis que Lévine préfère la campagne et prône les vertus d'une vie simple qui avait les faveurs de l'auteur.

4. Bienvenue en cours de philo !


Guerre & Paix est un essai philosophique. Bien que ce ne soit pas le cas d'Anna Karénine l'auteur nous y invite pourtant tout autant à la réflexion. Les mêmes questions que dans Guerre & Paix sont au centre du roman :
  • L'homme est-il maître de son destin ?
  • De quoi l'homme a-t-il besoin pour être heureux ?
Dans ses ouvrages, Tolstoï propose des réponses à ces questions. Pour lui, l'homme, bien qu'il est l'impression de prendre des décisions et de diriger sa vie n'est en fait qu'un minuscule rouage dans une machine beaucoup plus grande que lui et qui le dépasse. L'homme est, selon lui, semblable à une personne dans un train. Il peut se déplacer dans et entre les wagons sans que cela n'empêche pourtant le train de continuer à avancer sans que la personne n'ait de prise sur ce mouvement. Enfin, la seule façon pour que l'homme soit heureux est d'accepter qu'il ne décide finalement de rien et que son destin est entre les mains de Dieu ou d'une entité plus puissante (l'histoire de l'humanité, la destinée...) que lui qui le dépasse. 
La notion de destin
La notion de destin est d'ailleurs très présente dans les romans puisque André Bolkonski sera grièvement blessé à Austerlitz puis considéré comme mort. Napoléon déclarera en passant à côté de lui : « Ceci est un belle mort ! » Guerre & Paix. La phrase semble énonciatrice de la suite de l'intrigue puisque André mourra finalement heureux dans les bras de Natacha après avoir été mortellement blessé à Borodino. Quant à Anna, sa première rencontre avec son futur amant, en gare de Moscou, est marquée par la mort d'un machiniste se jetant sous le train, comme si la rencontre sellait le destin de la jeune femme qui mourra de la même façon 800 pages plus tard.

Pour autant Tolstoï ne nous impose pas sa vision des choses et semble, au contraire, nous exposer ces arguments pour nous encourager à développer notre propre avis en se basant sur ces conclusions.
Développe ton avis !

J'ai parfois lu ou entendu que Guerre & Paix est plus abordable qu'Anna Karénine. À mon avis, il n'en est rien... ce serait même plutôt l'inverse. Déjà, pour parler trivialement, parce qu'Anna Karénine représente une petite vingtaine d'heures de lecture mais qu'il faut compter le double pour arriver au bout de Guerre & Paix ; ensuite parce que la lecture de Guerre & Paix est segmentée entre les parties romancées, les parties historiques et les parties philosophiques. La lecture est fractionnée, ce qui n'est pas le cas d'Anna Karénine. Je conseil donc de commencer par Anna Karénine si vous voulez lire du Tolstoï. Quoi qu'il en soit, une chose est sûr la lecture de ces romans et une expérience qui aura marqué ma vie de lectrice et permis de découvrir d'une autre façon les guerres napoléoniennes et la Russie du XIXème siècle en général. 
Article écrit dans le cadre du challenge XIXème siècle 

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8 commentaires:

  1. T'façon pourquoi lire G&P quand on peut regarder la série ?

    Wink Wink

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    1. Ta capacité de troll n'a de cesse de s'amplifier avec les années jeune hobbit !

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  2. J'ai adoré "Guerre et Paix" que j'avais en 4 volumes. Donc j'ai eu le temps de le déguster et de fait on voit Napoléon au travers de celle des russes et c'est passionnant d'avoir le "revers" de l'histoire. Par contre, je n'ai pas encore lu "Anna Karenine". C'est un vieux projet de lecture. Ton article me donne bien sûr envie plus que jamais de le lire.

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  3. Anna Karénine est mon roman préféré justement pour la capacité de Tosltoï à concentrer beaucoup de questions existentielles et bien sûr sa quête du bonheur vue à travers différents personnages. J'aime aussi beaucoup son empathie pour les personnages et le fait qu'il ne les juge pas, malgré cela je trouve que trop de lecteurs "jugent" sévèrement le comportement d'Anna Karénine. J'adore également Guerre et Paix (je suis un peu amoureuse du prince André).

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    1. Que celle qui n'a pas un jour rêvé de danser dans les bras du prince André te jette la première pierre ;)

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  4. Très bel article ! J'ai lu et adoré Anna Karénine pour l'ambiance de cette Russie impériale et la force de la plume de Tolstoï qui confère une vraie âme et une vraie force aux personnages. Guerre & Paix m'inspire moins alors que j'ai trouvé la mini-série excellente. Je pense que c'est l'omniprésence de la dimension militaire... Je risquerais de sauter des passages entiers pour le moment. Mais à l'avenir j'espère venir déposer sous cet article mon avis sur ce chef d'œuvre !

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    1. Personnellement, ce n'est pas le côté militaire qui m'a gênée mais parfois certaines apartés philosophiques étaient un peu trop longue à mon goût ;)

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