Les
histoires d'hommes transformés en bêtes sont universelles et veilles
comme le monde. Loup-garous occidentaux, homme-guépard, chacal ou
encore hyène africaine, homme-requin d'Océanie ou encore
homme-lézard en Amérique du sud : ces transformations ont
nourri l'imaginaire collectif et sont à l'origine de nombreux mythes
et légendes. Ces métamorphoses sont très fréquentes dans la
mythologie Grecque. Zeus s'est ainsi transformé en cygne pour
séduire la ravissante Leda, épouse du roi de Sparte. De cette union
naîtront Pollux et sa sœur la célèbre poire Belle Hélène.
Cependant, le mythe à l'origine du conte qui nous intéresse dans
cette chronique, est sans doute celui de Psyché : Princesse
d'une grande beauté jalousée de la déesse Aphrodite condamnée a
devenir l'épouse d'un monstre, qui nous est narré dans Les
métamorphoses également connues sous le nom Amour et Psyché
d'Apulée. Vous l'aurez compris : aujourd'hui il est question de
La Belle & La Bête !
Nous
devons sa version la plus connue, datant de 1757, à Mme Leprince de
Beaumont qui emprunte et récrit La
Belle & La Bête
à partir de la version très complète de Mme Gabrielle de
Villeneuve (1740). L'objectif de Mme Leprince Beaumont est
pédagogique. Elle souhaite divertir les élèves de son pensionnat
tout en les instruisant et en leur inculquant des leçons de morale.
C'est pourquoi, elle fit des coupes drastiques dans la version de Mme
Gabrielle de Villeneuve comptant environ 150 pages pour ne garder que
les éléments propres à faire passer cette leçon de morale. Le
résultat ? Nous le connaissons tous ! Un petit conte
pédagogique d'une vingtaine de pages. C'est de cette version que
s'inspire la majorité des adaptations du conte.
Petit tour du propriétaire
Aujourd'hui,
deux adaptations de La Belle & La Bête
sont à l'honneur avec une mention spéciale adressée à une
troisième. Il s'agit du film du réalisateur Christophe Gans
sortie dans les salles obscures en 2014 et de la comédie musicale
sortie en mars 2017. Il est important de souligner pour la suite que
cette dernière est, en fait, la version live action de la célèbre
version animée de la souris aux grandes oreilles datant de 1991.
Les intentions de réalisation
Afin
de se plonger pleinement dans l'univers d'un film, il me semble
important de comprendre l'intention du réalisateur au moment de la
création de ce dernier.
Dans
le cas de Christophe Gans, l'objectif est de centrer son propos sur
le personnage de la Bête, et plus particulièrement de remonter aux
origines de sa malédiction. Pourquoi a-t-elle été puni ? Que
lui est-il arrivé ? C'est autour de la malédiction de ce
personnage que toute l'arborescence du film s'est construite !
Cette envie de Gans de remonter aux origines de la bête vient du
fait qu'aucune adaptation du conte ne s'est attardée sur le sujet
alors que le texte de Madame de Villeneuve s'étend au contraire sur
la question. Il s'agit d'ailleurs dans le cadre de cette adaptation
du texte de référence.
Pour
ce qui est de Bill Condon, une question s'est immédiatement posée :
« Pourquoi refaire un chef-d’œuvre ? » Pour lui, la
réponse est la suivante : « La version de 2017, n'est pas
un remake mais une adaptation du conte et du film de 1991 sous une
nouvelle forme. ». L'objectif est donc double : proposer
une autre approche du film d'origine et mettre en lumière des
aspects non utilisés du texte de Mme Leprince de Beaumont dans la
version de 1991.
L'ambiance des films
Intéressons-nous
maintenant à l'ambiance des films à travers quatre points :
les décors, les costumes, la photographie et la musique. C'est parti
les amis ! Nous allons les trouver, je sais qu'on peut y
arriver !
Les
décors de la version de Chritophe Gans sont à couper le souffle
tout simplement ! Si la découverte du film au cinéma m'a
laissée une aussi forte impression, c'est en très grande partie due
au château de la Bête dans lequel vagabonde Belle. Il s'en dégage
quelque chose de très poétique, proche du travail réalisé sur
Laputa dans le sublime Château dans le ciel d'Hayao
Miyhazaki. Étant une grande admiratrice de ce réalisateur japonais
et de son univers, je ne pouvais que succomber face à la proposition
de Gans ! Un autre aspect qui m'a immédiatement séduite :
la magnificence des costumes, réalisés par le très talentueux
Pierre-Yves Gayraud. Qu'il s'agisse des robes colorées de Belle
offertes par la Bête (d'ailleurs restées célèbres chez les
amateurs de costumes de films), des impressionnants costards de la
Bête ou des tenues des courtisans, tous nous immergent un peu plus
profondément dans l'univers proposé tout en dévoilant subtilement
le caractère des personnages. Le travail de Christophe Beaucarne,
directeur de la photographie, est également à saluer. Les jeux de
lumière entre la morosité austère (quoique parsemée de puits de
lumière) du château actuel et celui du passé luxueux de la Bête
ne m'ont pas laissé indifférente ; tout en parvenant à créer
une véritable patte visuelle. Enfin, sans être vraiment remarquable
ou même mémorable, la bande originale du film composée par Pierre
Adenot souligne et accompagne judicieusement les actions des
personnages.
Les
décors du Disney Live, sont également très beaux. Quelque chose d'assez artificiel se dégage toutefois de l'ensemble. Tout est
lisse et manque cruellement de naturel ! Certains décors ne
donnent pas l'impression d'être réellement habité comme la taverne
par exemple, bien trop proprette et rangée. Seuls les jardins de la
Bête parviennent à tirer leur épingle du jeu à mon sens. Il s'en
dégage une beauté froide et surnaturelle qui sied au lieu. Les
costumes (créés par Jacqueline Durran) sont extrêmement proches du
film d'animation. Cependant, la revisite amène un vent de fraîcheur.
De plus, quelques trouvailles sont remarquables comme le costard
bigarré du prince dans la première scène ou encore la célèbre
robe jaune réaccessoirisée pour l'occasion. J'ai également
apprécié la revisite plus riches en détail que l'originale de la
robe bleue de Belle. Il y a un grand contraste entre les lumières du
village extrêmement vives et celles du château plus ternes et
menaçantes. Il convient de souligner que plus la romance entre les
deux protagonistes principaux avance, plus la luminosité du château
s'adoucit. Mis à part cet élément, le travail de Tobias A.
Schliessler est plutôt classique et sans grande inventivité. Si un
élément se démarque vraiment dans l'ambiance du film, c'est bien
la musique. Encore heureux me diriez-vous puisqu'il s'agit d'une
comédie musicale ! Composée par Alan Menken, la bande
originale du film est magnifique et reste longtemps en mémoire. Si
la plupart des morceaux sont des reprises légèrement arrangées du
dessin animé de 1991, d'autres comme Evermore, Days in the sun
ou How does a moment last for ever sont des créations
originales. Les nombreuses chansons du film étant interprétées par
le casting de ce dernier, il est grand temps de passer aux acteurs !
Place aux acteurs
Et
là, rien à dire, les chansons du film les nouvelles comme les
anciennes sont interprétées par un casting Quatre Étoiles !
Si
certaines comme Emma Watson ou encore Emma Thompson poussent
agréablement la chansonnette sans offrir des performances vraiment
remarquables, certains notamment Luke Evans et Josh Gad issus des
planches de Broadway tirent vraiment leurs épingles du jeu.
J'accorde également une mention spéciale à Dan Stevens pour son
interprétation de Evermore.
Le bas blesse malheureusement, dans la direction des acteurs qui
offrent au mieux un jeu lisse sans réelle profondeur et au pire une
performance cartoonesque malaisante. Il convient cependant de
préciser que le malaise vient aussi du fait que la technologie
utilisée pour donner la vie aux personnage de Lumière, Big Ben ou
Madame Samovar ne convint pas.
Le casting est
également de qualité chez Christophe Gans. Les acteurs offrent tous
de bonnes performances à l'exception des sœurs de Belle un peu trop
hystérique à mon goût. Quant à Léa Seydou sa proposition manque
un peu d'aspérités et de diversité pour convaincre pleinement
malgré sa justesse d'interprétation. La mention spéciale revient à
Vincent Cassel qui livre une performance toute en nuances du
personnage mythique. Malgré cela, la complicité et l'amour de la
Belle & la Bête ne sont pas vraiment crédibles. Il manque un
petit quelque chose dans la narration ou le jeu des acteurs pour
vraiment viser juste. C'est à mon avis de défaut principal de cette
adaptation.
Le jeux des 5 ressemblances et de la différence
Fidèle au conte ?
Qui
dit adaptation dit œuvre de référence, dans le cas des films
présentés ci-dessus, ils ne sont pas (nous l'avons souligné plus
haut) adapté des mêmes œuvres. L'adaptation de Christophe Gans se
base sur le texte de Madame de Villeneuve et sur le film de Jean
Cocteau datant de 1946. Quant à celle de Bill Condon, elle est
pensée comme une adaptation du conte de Madame Leprince de Beaumont
inspirée de la version animée de 1991. Le résultat ? Deux
histoires originales très éloignées de leur texte de référence.
Troublantes similitudes
Nous
venons de le souligner, les deux adaptations sont éloignés de leur
œuvres de références mais sont-elles pour autant infidèles à
l'esprit du conte ? Pour éclaircir ce point, il convient de
s'attarder sur des moments clés de l'intrigue présent dans les deux
versions du contes mais aussi dans presque toutes ses adaptations.
Tout
part de la demande que fait Belle à son père de lui ramener une
rose, fleur au combien emblématique ! Rose que ce dernier ira
voler dans le jardin de la bête, conduisant Belle prise d'un
sentiment de culpabilité à se sacrifier pour son père et à
demeurer au-pré de la Bête. Ce conte est un récit initiatique
retraçant le passage de l'état de fille à celui de femme pour la
Belle et la quête de la rédemption pour la Bête. Le symbole de la
rose est d'autant plus fort dans l'adaptation de Disney puisque la
chute de pétale de la rose représente le temps restant attribué à
la Bête pour se faire aimer et donc se repentir.
Les
jeux de miroirs sont aussi une thématique importante des deux textes
d'origines reprise dans les deux films. Dans le conte de Madame de
Villeneuve, le miroir permet à la Bête d'espionner Belle, dans le
film de Gans les miroirs permettent à Belle lorsqu'elle rêvent
d'explorer le passé de la Bête, quant aux versions de Disney, la
Bête offre un miroir à la Belle afin qu'elle puisse voir son père.
Tous ses miroirs ont le point commun de ne servir qu'à voir l'autre
et non pas son propre reflet. D'après Sandy de l'excellente chaîne
Le Carnet Enchanté, cela révèle un message caché du conte à
savoir que l'humain ne semble être défini que par l'image qu'il
revoit en société et non pas pour ce qu'il est vraiment. Cela
concorde avec la morale de cette histoire nous invite à apprendre à
voir au delà des apparences.
Enfin,
dans les contes ainsi que dans les adaptations dont il est question
ici, la Belle retourne toujours chez son père au moment ou elle
commence à éprouver des sentiments pour la Bête. Ce retour chez le
père se conclut toujours par un retour consenti et non contraint au
château de la Bête. Ce retour chez le père dont Belle est
extrêmement proche permet à cette dernière de renoncer à son
Œdipe et à accepter la Bête comme modèle de masculinité. Cette
étape clés marque l'entrée de Belle dans sa vie de femme. Chez
Christophe Gans tout comme chez Bill Condon, le retour chez la Bête
à pour objectif de le sauver d'une attaque mener dans un cas par des
brigands et dans l'autre par des villageois avec la même
conclusion : l’aveu des sentiments de Belle à la Bête.
Le
respect de ses trois étapes essentiel à la transmission du message
du conte sont respecté dans ces adaptations qui sont donc fidèle à
l'esprit des textes d'origines.
Malgré
ce constat, les deux œuvres sont loin d'être de la même qualité.
Ainsi, la version live action de 2017 n'est qu'une pâle copie
malaisante du chef-d’œuvre qu'est la version animée de 1991. Elle
n'est digne d'intérêt que pour quelques performances vocales
notables ainsi que pour le plaisir Proustien de redécouvrir sous une
nouvelle forme une œuvre ayant marqué l'enfance de nombre
d'entre nous. La version de Christophe Gans a le mérite de vraiment
revisiter se conte et d'offrir une réelle proposition de
réinterprétation du conte, ce qui en fait à mon sens une bonne
adaptation. Certes, cette version n'est pas exempte de tout défaut,
mais vous ne pourrez que passer un bon moment devant la magnificence
des décors et des costumes ! Bref, foncez afin de vous faire
votre propre opinion.
Merci
à Sandy pour son excellente vidéo : « Du conte àl'écran EP02 : La Belle et la Bête » qui m'a inspirée
cette chronique.
Je suis entièrement d'accord avec toi, la version 2017 n'a pas tellement d'intérêt même si elle est très agréable à regarder.
RépondreSupprimerEt la version de Gans et bien je l'aime beaucoup pourtant je ne suis pas très fan des acteurs mais les costumes et le château sont féeriques !
Oui, ça a été une grosse déception. J'en attendais peut-être un peu trop. Merci pour ton commentaire, à bientôt ;)
Supprimerles deux œuvres sont loin d'être de la même qualité. Ainsi
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